Les désaffectés



seul sur le quai d’une gare sans nom

assis par terre ou sur un banc selon l’humeur

j’égrène patiemment le chapelet des heures nues


plus rien ne passe ici

plus de convois qui ralentissent jusqu’à l’arrêt complet

et reprennent des forces avant de se remettre en branle

plus de crissements affolés du métal contre le métal

plus d’embrassades avant le grand départ

juste une gare qui se souvient juste moi qui perds la mémoire

étrange couple d’égarés


de jeunes arbres encore timides dressent leur tronc chétif

à la verticale des traverses

bois debout contre bois couché

bois vivant contre bois mort

eux au moins savent où ils restent en même temps qu’où ils vont

si le ballast les retient

ils s’en sortiront par le haut


mais moi qu’est-ce que j’attends là

les yeux secs et la tête vide

serais-je aussi désaffecté que cette pauvre gare

en vérité je ne sais pas mais c’est sans importance

ma seule certitude est que rien ne m’attend


alors j’égrène patiemment le chapelet des heures nues

assis par terre ou sur un banc selon l’humeur

seul sur le quai d’une gare sans nom



19 juillet 2021

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